D'autres essayeront,
d'autres échoueront.
Il suffira que l'un d'eux réussisse ...
" Avec le "Che", une certaine révolution est morte, celle de Don Quichotte, celle de la jeunesse et du romantisme, celle de l'indignation et de la folie. (...) Il ne reste donc plus en présence que trois forces :
- Les armées entretenues, équipées, coiffées par les Américains, des armées qui ne font pas seulement de la répression, mais s'occupent de plus en plus de tâches civiles. Ou elles resteront fidèles à leurs maîtres, ou bien c'est d'elles que naîtra une autre révolution.
- L'Eglise, s'appuyant d'un côté sur les partis démocratiques chrétiens existant, se cherchant de l'autre une clientèle révolutionnaire et jeune. Elle reste l'inconnu. Mais le prêtre comme l'officier, s'il reste trop longtemps au contact de la misère et de l'injustice, devient facilement un révolutionnaire et jette s'il le faut le froc ou l'uniforme aux orties.
- Les partis communistes. Ils espèrent s'être débarrassés avec la mort du "Che" de l'hérésie castriste et reprendre leur action "unitaire". Mais ils oublient qu'il leur manquera maintenant ce sang nouveau qui vient de la jeunesse. Par un trop grand soucis de tactique, ils se sont compromis avec les gouvernements et les polices. Ils sont vieux et démodés, ils sont d'un autre temps. Ce qu'ils proposent n'est plus souvent que de l'antiquaille, et des mots creux. Ils ne conviennent plus au continent latino-américain. En vérité, ils ont cessé d'être révolutionnaires.
Il reste heureusement encore à ce pays des rêves et des espérances. Pour s'être essayé au personnage de Bolivar, mais dans un mauvais moment, avec de mauvaises méthodes, le "Che" en est mort.
D'autres essayeront, d'autres échoueront. Il suffira que l'un d'entre eux réussisse..."
Jean Larteguy, Les guérilleros (1967)