Alors que la Lonko Juana Calfunao est toujours emprisonné, le werken de la communauté, Antonio Cadin Huentelao, a organisé un trawun le 8 et 9 janvier dernier dans la communauté Juan Paillalef pour marquer la mise en place d'un nouvel outil de défense juridique, le Defensor Juridico Social Autonomo Mapuche. La réunion traditionelle a eu lieu autour du rehue, et l'accord a été passé avec plusieurs Lonkos et werkens de communautés engagés pour la restitution des terres et la défense culturelle du peuple Mapuche. On m'a fait parvenir les images, que j'ai ensuite monté avec Roberto.
Je me rappelle très bien, c'était une journée d'octobre. J'étais en voiture et j'écoutais la radio. Le journal de France Info. Un journaliste commentait un nouveau rapport de l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui visait l'Iran. On venait de découvrir des activités d'enrichissement d'uranium cachées jusque là. Panique générale. Et pendant 5 minutes, on a eu droit à un dossier à charge contre l'Iran, ce pays "dangereux" à vocation belliqueuse, cet ennemi des droits de l'homme, ce délinquant international et, de surcroit, antisémite.
Une condamnation nette, définitive et unanime.
Tout en écoutant, j'ai commencé à réfléchir un peu. Juste pour voir. Essayer de mettre une distance critique face à ce qui me paraissait, les minutes défilant, une opération de propagande en bonne et due forme.
Quelles sont ces fameuses lois "internationales" que l'Iran enfreint ? Seraient-ce les résolutions de l'ONU, les mêmes sur lesquelles s'assoient les États-Unis en cas de besoin, serait-ce le traité de non-prolifération des armes atomiques ?
Cette agence, l'AIEA, dépend directement des Nations Unies, et a été crée sous l'impulsion d'Einshower. Sa mise en place a cependant été retardée de quelques années parce que les États-Unis, alors en pleine guerre froide, livraient une course farouche à l'armement. Les 5 membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU, en plus d'être chacuns dotés de l'arme nucléaire, sont les 5 plus gros vendeurs d'arme au monde. Demandez-leurs, ils vous diront surement que personne d'autre qu'eux-mêmes ne doit disposer de l'arme nucléaire. Ils ont d'ailleurs signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Non-prolifération, l'idée fait presque sourire. Ça voudrait dire que ceux qui ont la puissance nucléaire peuvent la garder (et continuer ainsi à assoir leur domination), mais que ceux qui ne l'ont pas ne doivent surtout pas y avoir accès. Cela veut aussi dire que certains pays sont jugés à priori plus dangereux que d'autres, et n'ont pas le droit aux mêmes armes que tout le monde. Délit de faciès ? Privilège des riches et des puissants ?
Qui donc peut décider légitimement de telles choses ? Qui parle surtout, un journaliste indépendant de France Info, ou le secrétaire d'état de la maison blanche ?
A se demander si ce même journaliste est au courant que les américains nous ont déjà fait le coup en Irak (gros mensonge très vite oublié) et qu'historiquement, les États-Unis sont le seul pays à avoir utilisé la bombe atomique contre des civils. (c'est diagnosticable, l'amnésie, comme maladie collective ?)
Voilà le genre de réflexions qui me sont venus pendant 5 minutes. Tentative de réflexion contre tentative de propagande.
Je ne vais même pas critiquer les opinions du journaliste. Il a le droit de croire que les États-Unis sont par essence moins dangereux et plus humanistes que l'Iran (quoique je lui conseille quand même, en séance de rattrapage, un ouvrage sur le génocide des indiens en Amérique du Nord, un autre sur l'esclavage des noirs, et un dernier sur les dictatures militaires latino-américaines des années 50 à aujourd'hui, pour commencer). Il a le droit de penser que le traité de non-prolifération des armes nucléaires est motivé par une volonté d'équité et de justice entre les pays et les peuples ; il a même le droit de penser que la domination de l'occident sur le reste du monde est justifiée, souhaitable et tout à fait morale. Toutes les opinions se discutent. Mais en tant que journaliste supposément objectif, il a au moins le devoir de clarifier ses présupposés idéologiques, et d'adopter ne serait-ce qu'un minimum de distance critique par rapport à ce qu'il raconte.
Et j'écoutais le journal de France Info ...
C'est à ce moment là je crois que je me suis rendu compte - c'est d'ailleurs pour ça que je m'en souviens - comment on travaillait l'opinion, comment on mettait en place une certaine idéologie (et une vision du monde) pour préparer une future intervention en Iran. On commençait à faire circuler des idées, qui ne tiennent pas debout 5 minutes face à une pensée critique et raisonnée, mais des idées récurrentes, qu'on répète jusqu'à plus soif, qu'on fait tourner en boucle, des idées qui restent.
A ce niveau là d'endoctrinement (vital en démocratie pour faire passer les aberrations les plus flagrantes), j'ai même eu l'impression que c'était pour bientôt. Il reste à espérer que mon intuition me trompe, que les États-Unis (et leurs alliés) ne sont pas impérialistes, et que SuperObaman va sauver le monde.
Mais en ces temps de crise économique et de raréfaction des réserves d'énergie, j'ai quelques doutes légitimes à ce sujet là.
Ernesto Che Guevara, après une campagne africaine désastreuse, refuse de rentrer à Cuba et se rend incognito en Bolivie. Sur place, il rejoint le maquis et commence à organiser une nouvelle guerilla, mais la logistique fait terriblement défaut: les hommes et les armes qu'on lui avait promis ne sont pas là. Il attend la visite du premier secrétaire du parti communiste bolivien, Mario Monge, qui se fait attendre. Celui-ci débarque finalement pour lui annoncer que le parti communiste ne soutient pas la lutte armée, et qu'il n'apportera aucune aide à la guerilla. Cette défection, de taille, est vécue comme une trahison de la part des quelques hommes restés fidèles au Che. Elle enferme surtout la guerilla dans un isolement suicidaire qui sera, quelques mois plus tard, fatal au Che. Après sa capture, il sera assassiné par l'armée bolivienne (surement sur ordre de la CIA), et sa dépouille exhibé pendant 2 jours au journalistes du monde entier
Mario Monge, premier secrétaire du parti communiste bolivien "- Je regrette, mais les conditions ne sont pas réunis pour le type de lutte que tu proposes."
Che Guevara "- Dans toutes les régions du monde ou l'homme est exploité par l'homme, les conditions sont réunis. Quand des enfants travaillent dans les mines, quand 50% des mineurs meurent avant d'avoir atteints 30 ans, quand ces mêmes mineurs décident de faire grève pour une augmentation de salaire et qu'ils se font massacrer par l'armée, les conditions nécessaires à la lutte sont réunis, ou pas, d'après toi ? Quand les taux de mortalité infantile et maternelle sont parmi les plus élevés d'Amérique Latine, faute d'accès d'hôpitaux et d'accès aux soins médicaux, pour moi, les conditions sont réunis. Si on a appris une chose à Cuba, c'est bien qu'un soulèvement populaire sans l'appui de la lutte armée n'a aucune chance de prendre le pouvoir, c'est peine perdue."
Dialogues extraits du film Che partie 2: la guerilla de Steven Soderbergh
Ça fait drôle. Un sentiment bizarre, mélange de colère et de résignation. On en veut presque à cette foutue "démocratie" et l'on se sent trahi, une fois de plus.
Les médias chiliens soulignent tous d'une voix unanime le caractère historique de la victoire de Sebastian Pinera, digne représentant de l'élite économique, à l'élection présidentielle chilienne. C'est en effet la première fois depuis 52 ans que la droite arrive au pouvoir par un processus électoral.
Mais quand elle n'avait pas le soutien des urnes, la droite néolibérale avait su trouver de celui de l'armée, en s'assurant au passage de faire perdurer son hégémonie, c’est-à-dire en liquidant de sang froid toute une génération de dirigeants, de syndicalistes et de jeunes aux idées dangereusement progressistes.
À la tête du coup d'état de septembre 1973 s'impose un homme, Augusto Pinochet, commandant en chef des armées qui s'auto-proclame président de la république. La dictature, sanglante, marque sous l'influence des États-Unis la première "expérimentation" du modèle néolibéral américain dans un pays d'Amérique du Sud. La dictature militaire va durer 17 ans, laissant le temps à Pinochet de devenir un intime de Thatcher et de Reagan.
Officiellement, la dictature prend fin en 1990, Pinochet rend le pouvoir et organise les premières élections présidentielles depuis 1970. On ne peut pourtant pas vraiment parler de réelle transition démocratique, puisque Pinochet reste commandant en chef des armées, et un personnage influent (et craint) de la vie politique chilienne, qui ne sera jamais inquiété par la justice jusqu’à sa mort en 2006.
Nombre de cadres de la dictature restent en place (dans l'administration, dans l'armée) et l'on sait maintenant un peu mieux dans quelles conditions le pouvoir a été rendu:
" Dans son livre Chili, une démocratie sous tutelle, Portales révèle le « pacte secret de la transition », par lequel les dirigeants de la concertation s’étaient engagés – à la fin du gouvernement militaire – à ne pas altérer l’ordre politique et économique consacré par la constitution de 1980. " De plus, le pacte secret a une conséquence pratique, il impose une « politique des consensus », rendant dépendantes la gauche et la droite dans un système qui rend presque impossible tout changement législatif, et ou la gauche ne peut à elle seule mettre en place quelconque politique significative.
La concertacion, coalition de centre-gauche, prend donc le pouvoir en 1990, mais un pouvoir vidé de sa substance, avec une coalition timide, sans portée politique, puisqu’elle s’engage à ne toucher aucune des fondations laissées par la dictature. Elle est donc, à dessein, programmée à décevoir, à échouer dans son programme de réforme. Les changements sociaux attendront, et le peuple ne verra toujours pas cette gauche pour laquelle il a voté en 1973. Le modèle néolibéral, mais aussi la constitution et les lois répressives restent inchangés.
Le reste est alors l’histoire d’un pays dangereusement schizophrénique qui cherche à tout prix à tourner la page, à se convaincre les choses ont changés, mais qui est incapable d’assumer la moindre remise en cause de l’héritage de Pinochet. Très peu de responsables de la dictature sont réellement inquiétés. La mémoire collective vire à l’amnésie, et lorsque le nouveau pouvoir en place s’intéresse d’un peu trop près aux scandales de la dictature (le cas des Pinochèques en 1993), l’armée descend dans la rue, créant une onde de terreur et réveillant en chacun les souvenirs les plus noirs de la dictature militaire, qui n’avait jamais paru aussi proche. (le fameux Boinazo)
20 ans de gouvernement de centre-gauche plus tard, le constat est amer. “ La concertacion est une coalition qui ne cherche pas de changements significatifs dans la société, et qui se contente d’administrer, peut-être avec un peu plus de dépenses sociales, le même modèle qu’a laissé la dictature. Cela devient de plus en plus évident, surtout pour les jeunes qui ne se sont pas inscrits pour aller voter, parce qu’ils se rendent compte que ce système ne permet aucun réel changement dans la société chilienne”.
Face à une gauche divisée, démobilisée, la droite revient donc au pouvoir. Mais l’avait-elle vraiment quitté depuis 1973 ? Impossible de ne pas voir dans la défaite de la concertacion l’échec flagrant de la transition démocratique de 1990.
Dur aussi de ne pas apercevoir derrière ce nouveau fracaso de la gauche chilienne le spectre de Pinochet -pourtant bien mort et enterré- mais dont l'encombrant héritage politique ne cesse d'influencer le Chili de ces 20 dernières années.
Aurélien, alias "Jaime Humberto Newen", est un personnage indescriptible, il ne rentre dans aucune case (au sens propre comme au sens figuré).
Aurélien ne recule devant aucun préjugé, et manie mieux que quiconque l'art des comparaisons hasardeuses. Il a une logique toute particulière, une manière bien à lui de passer au mixeur les influences les plus variées (et souvent les plus antagonistes), et un talent reconnu pour la caricature grossière et l'humour approximatif. Autant le dire, Aurélien le "Mapuche français" est un personnage controversé qui ne laisse personne indifférent (en général, ça oscille entre exaspération, lassitude et incompréhension).
Sinon, Aurélien fait aussi des vidéos, voici donc 2 de ses réalisations ou, pour citer Aurélien en personne, de ses travaux artistiques.
On a profité de la présence de Roberto à Paris, de la première projection de Seguir Luchando Para Seguir Existiendo dans un festival de cinéma à Valparaiso, et de l'actualité sociale bouillonnante au Chili pour réaliser un numéro un peu spécial de Guachos Con Hambre. A la base, Guachos Con Hambre, c'est une émission de radio que réalise Roberto depuis Temuco avec son Taller Cicatriz.
« Le documentaire social se distingue du documentaire tout court et des actualités de la semaine par le point de vue qu'y défend nettement son auteur. Ce documentaire social exige que l'on prenne position car il met les points sur les i. S'il n'engage pas un artiste, il engage au moins un homme. Ceci vaut bien cela. Et le but sera atteint si l'on parvient à révéler la raison cachée d'un geste, à extraire d'une personne banale et de hasard sa beauté intérieure ou sa caricature, si l'on parvient à révéler l'esprit d'une collectivité d'aprés une de ses manifestations purement physiques. Et cela, avec une force telle que, désormais, le monde qu'autrefois nous côtoyions avec indifférence, s'offre à nous malgré lui au-delà de ses apparences. Ce documentaire social devra nous dessiller les yeux. »
" Si je parle du point de vue générationnel, je suis obligé de convenir de l'irréfutable constat : notre génération (en Europe occidentale et, d'un point de vue révolutionnaire, entre 1965 et aujourd'hui) a été la pire ou la moins douée depuis deux cents ans. D'abord et contrairement à nos prédécesseurs, nous avons été incapable de faire la moindre révolution conséquente même vouée à un échec comme la Commune ou la révolution européenne des années 20 et les grands mouvements populaires des années 30, 40 et 50. Pire, puisqu'à aucun moment, notre génération n'a su projeter un modèle de lutte capable de s'opposer à l'avancée du capitalisme. Ce qui en autre, nous coûte un autre constat : nous laisserons un monde plus réactionnaire, plus dur, plus précaire de celui dont nous avons hérité. (...) Nous n'avons gagné aucune grande bataille. Nous n'avons pas été à l'égal des vieux du début du siècle créant les assos ouvrières ou de leurs enfants " antifascistes " nous offrant au moins le Welfare State et participant aux libérations anti-coloniales. Et que dire des générations plus anciennes ! Nous n'avons pas été à la hauteur des vieux d'avant inventant les barricades et le socialisme utopique. (...) Oui nous (ceux qui à un moment donné ont pris les armes) avons été défaits certes ! Mais en combattant. Le pire c'est qu'une grande partie de notre génération ne s'est même pas battue ou a fait semblant... du bout des lèvres. Pour l'instant très dépolitisée, dépourvue (par notre faute) d'une véritable idéologie-utopie de libération, la génération qui se lève, ne parvient pas à saisir là où nous avons failli. Elle nous regarde avec surprise et condescendance. "
Jean-Marc Rouillan, 20/06/2006, membre fondateur d'Action Directe, Toujours emprisonné.
L'année qui démarre, et dans son sillage les bonnes résolutions, comme celle de réactiver le blog.
On va commencer l'année en image avec un blog qui propose une quantité de documentaires visionnables gratuitement en streaming, ca va du bien au très très bon, en passant par Chomsky, Action Directe, Jimmy Hendrix, L'an 0, la décroissance, la commune de Paris, etc .. Blog à fouiller et à faire tourner !