jeudi 15 janvier 2009

Chili : un prisonnier politique est prêt à vendre son rein pour pouvoir clamer son innocence.


Jaime, 29 ans, sculpteur sur bois, est Mapuche ce qui signifie « Peuple de la Terre ». La Terre pour lui c’est notre Mère à tous puisqu’elle nous donne la vie. La respecter est la base de sa philosophie. C’est ce que son peuple fait depuis des millénaires dans le cône Sud du continent latino-américain. Seulement voilà depuis un peu plus d’un siècle et demi, les mapuches ont vu débarquer des individus ayant une conception bien différente de la sienne. Au nom du progrès, de la civilisation et de la croissance, ils les ont expulsés de leur terres puis ont détruit les bois naturels, asséché les nappes phréatiques et pollué les rivières.

Or la terre est au mapuche ce que la société de consommation est aux occidentaux. L’en priver c’est le tuer culturellement et l’humilier socialement.

Au début des années 90 un mouvement de lutte pour la restitution des terres ancestrales fait son apparition au sein des communautés mapuches au Chili. Ils demandent l’expulsion des multinationales forestières qui squattent leurs terres et menacent l’environnement. Face à un conflit qui gagne la région et menace ses intérêts économiques, l’Etat chilien déterre la loi antiterroriste de Pinochet, rappelant alors les heures les plus sombres de la dictature. C’est le temps des procès politiques où les leaders sont systématiquement condamnés pour des peines allant jusqu’à 20 ans de prison. Jaime est emprisonné à six reprises en 1999, 2000, 2001, 2005, 2006 et 2007.

Envoyé en prison à six reprises pour avoir revendiquer ses droits, il entre en clandestinité.

Libéré en décembre 2007 il est de nouveau réclamé par les juges 15 jours à peine après sa sortie pour des faits datant de 2006 ! Il décide cette fois de ne pas se présenter devant cette justice qui mène directement en prison. « Un mapuche qui réclame ses terres n’a aucune chance de gagner un procès au Chili » me confiait-il en mars dernier. Il rentre alors en clandestinité comme d’autres l’ont fait avant lui. Les conditions de vies sont difficiles, il ne dort pas la nuit, l’hygiène manque terriblement. En septembre dernier il est victime d’une pancréatite et n’a d’autre choix que de se rendre à l’hôpital pour éviter la mort. Là bas il est appréhendé par la police. Enchainé sur son lit et placé sous haute surveillance il subit trois opérations chirurgicales. A peine rétabli il sera transféré à la prison d’Angol dans l’attente de son procès.

Atteint d’une pancréatite, il se rend aux autorités pour éviter la mort.

« A chaque fois ils n’ont rien contre nous, aucune preuve à part la parole des latifundistes. Mais cela suffit pour nous faire condamner. Les juges et la police ont toujours pris parti pour les propriétaires terriens. De surcroit ils ont les meilleurs avocats quand le notre, commis d’office, n’existe que pour la forme ». Accusé d’avoir incendié la grange d’un notable régional en 2006 et bien que le dossier soit vide, Jaime qui risque une peine de 5 à 7 ans de prison a de quoi être inquiet. Las de cette mascarade, il vient de répudier son avocat commis d’office qui ne prêtait que peu d’attention à son cas. Pour dénoncer l’absence de procès équitable dont sont victimes les mapuches, il voulait entamer une grève de la faim. L’année dernière Patricia Troncoso, condamnée à 10 ans de prison pour terrorisme (sic), avait alerté l’opinion internationale sur le sort des dirigeants mapuches en menant une grève de la faim interminable de 112 jours sans que les autorités chiliennes n’éprouvent la moindre compassion.

Mais Jaime qui vient de subir trois opérations chirurgicales est trop faible physiquement pour se lancer dans une telle entreprise.

Pour alerter sur sa situation et celle de son peuple il pousse la logique du « monde civilisé » jusqu’au bout : la justice est avant tout une question d’argent, chose dont il est personnellement dépourvu. Mais puisque dans ce monde tout se monnaye, il lui reste à vendre un de ses organes pour se payer un avocat capable de plaider sa cause.

Le 11 janvier 2009 il lança un appel pour annoncer la mise en vente d’un de ses reins. La recette lui permettra de payer les honoraires d’un avocat privé et d’être véritablement défendu dans une affaire où il se réclame innocent depuis le début. Cette annonce qui semble insensée appelle bien entendu à l’effroi, à la révolte et à la réflexion.

Quelle justice condamne un homme à six reprises pour avoir revendiquer ses droits ? Pourquoi un homme innocent préfère-t-il entrer en clandestinité pendant plusieurs années plutôt que de se présenter devant la justice ? De quelle justice parle-t-on quand un homme songe à vendre son rein pour pouvoir clamer son innocence ?

Non Jaime n’as pas perdu la tête, il n’a juste pas d’autre moyen à l’heure actuelle pour dénoncer le système qui tue son peuple à petit feu. Oui c’est effroyable et oui c’est révoltant.

Aguante Huenchullan !

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