mercredi 27 janvier 2010

L'invasion de l'Iran

Je me rappelle très bien, c'était une journée d'octobre. J'étais en voiture et j'écoutais la radio. Le journal de France Info. Un journaliste commentait un nouveau rapport de l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui visait l'Iran. On venait de découvrir des activités d'enrichissement d'uranium cachées jusque là. Panique générale. Et pendant 5 minutes, on a eu droit à un dossier à charge contre l'Iran, ce pays "dangereux" à vocation belliqueuse, cet ennemi des droits de l'homme, ce délinquant international et, de surcroit, antisémite.

Une condamnation nette, définitive et unanime.

Tout en écoutant, j'ai commencé à réfléchir un peu. Juste pour voir. Essayer de mettre une distance critique face à ce qui me paraissait, les minutes défilant, une opération de propagande en bonne et due forme.

Quelles sont ces fameuses lois "internationales" que l'Iran enfreint ? Seraient-ce les résolutions de l'ONU, les mêmes sur lesquelles s'assoient les États-Unis en cas de besoin, serait-ce le traité de non-prolifération des armes atomiques ?

Cette agence, l'AIEA, dépend directement des Nations Unies, et a été crée sous l'impulsion d'Einshower. Sa mise en place a cependant été retardée de quelques années parce que les États-Unis, alors en pleine guerre froide, livraient une course farouche à l'armement.
Les 5 membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU, en plus d'être chacuns dotés de l'arme nucléaire, sont les 5 plus gros vendeurs d'arme au monde. Demandez-leurs, ils vous diront surement que personne d'autre qu'eux-mêmes ne doit disposer de l'arme nucléaire.
Ils ont d'ailleurs signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Non-prolifération, l'idée fait presque sourire. Ça voudrait dire que ceux qui ont la puissance nucléaire peuvent la garder (et continuer ainsi à assoir leur domination), mais que ceux qui ne l'ont pas ne doivent surtout pas y avoir accès.
Cela veut aussi dire que certains pays sont jugés à priori plus dangereux que d'autres, et n'ont pas le droit aux mêmes armes que tout le monde. Délit de faciès ? Privilège des riches et des puissants ?

Qui donc peut décider légitimement de telles choses ? Qui parle surtout, un journaliste indépendant de France Info, ou le secrétaire d'état de la maison blanche ?

A se demander si ce même journaliste est au courant que les américains nous ont déjà fait le coup en Irak (gros mensonge très vite oublié) et qu'historiquement, les États-Unis sont le seul pays à avoir utilisé la bombe atomique contre des civils. (c'est diagnosticable, l'amnésie, comme maladie collective ?)

Voilà le genre de réflexions qui me sont venus pendant 5 minutes. Tentative de réflexion contre tentative de propagande.

Je ne vais même pas critiquer les opinions du journaliste. Il a le droit de croire que les États-Unis sont par essence moins dangereux et plus humanistes que l'Iran (quoique je lui conseille quand même, en séance de rattrapage, un ouvrage sur le génocide des indiens en Amérique du Nord, un autre sur l'esclavage des noirs, et un dernier sur les dictatures militaires latino-américaines des années 50 à aujourd'hui, pour commencer). Il a le droit de penser que le traité de non-prolifération des armes nucléaires est motivé par une volonté d'équité et de justice entre les pays et les peuples ; il a même le droit de penser que la domination de l'occident sur le reste du monde est justifiée, souhaitable et tout à fait morale.
Toutes les opinions se discutent. Mais en tant que journaliste supposément objectif, il a au moins le devoir de clarifier ses présupposés idéologiques, et d'adopter ne serait-ce qu'un minimum de distance critique par rapport à ce qu'il raconte.

Et j'écoutais le journal de France Info ...

C'est à ce moment là je crois que je me suis rendu compte - c'est d'ailleurs pour ça que je m'en souviens - comment on travaillait l'opinion, comment on mettait en place une certaine idéologie (et une vision du monde) pour préparer une future intervention en Iran. On commençait à faire circuler des idées, qui ne tiennent pas debout 5 minutes face à une pensée critique et raisonnée, mais des idées récurrentes, qu'on répète jusqu'à plus soif, qu'on fait tourner en boucle, des idées qui restent.

A ce niveau là d'endoctrinement (vital en démocratie pour faire passer les aberrations les plus flagrantes), j'ai même eu l'impression que c'était pour bientôt. Il reste à espérer que mon intuition me trompe, que les États-Unis (et leurs alliés) ne sont pas impérialistes, et que SuperObaman va sauver le monde.

Mais en ces temps de crise économique et de raréfaction des réserves d'énergie, j'ai quelques doutes légitimes à ce sujet là.

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