dimanche 16 novembre 2008

L'illusion démocratique



La démocratie est plus la belle escroquerie de notre temps.

Temuco, IXè région, Chili
(la ville ou nous avons passé 3 mois)

L'histoire se répète, on en prend d'autres et on recommence. Cette fois, il s'agit de 2 étudiants en anthropologie, qui dans le cadre de leurs études, se sont liés au peuple Mapuche, se sont rendus dans les communautés, et ont ensuite solidarisé avec leur lutte.
Ces 2 étudiants se retrouvent aujourd'hui en prison préventive, accusés par les Carabineros d'avoir attaqué un fourgon de police à coup de cocktail Molotov. Ceci les place sous le coup de la loi anti-terroriste, ils resteront en prison jusqu'à leurs procès, et encourent une peine de 5 à 20 ans de prison. En plus de clamer leur innocence, les 2 étudiants dénoncent un grossier montage policier, et le fait d'être emprisonnés pour leurs idées.

(plus d'informations:
http://somosconcientesnoterroristas.blogspot.com
en espagnol)

Il est tout simplement abérant qu'un état comme le Chili, qui se présente et s'affirme démocratique, continue à utiliser une constitution et à appliquer des lois restées inchangées depuis la dictature militaire de Pinochet, dictature reconnue comme l'une des plus violentes et des plus sanglantes d'Amérique du Sud. Tant que ce pays n'aura pas entiérement renié son héritage de la dictature, il n'est pas possible de parler de "transition démocratique", et la démocratie restera, pour les Chiliens, une illusion, une carte de visite à l'échelle internationale.

De la démocratie justement, parlons-en.

On a vite fait, nous citoyens de pays occidentaux, de se sentir en sécurité contre les dérives despotiques, on se gargarise de nos démocraties, on en tire fierté et aussi souvent ce sentiment, bien naïf, d'être mieux lotis qu'ailleurs.
Nous sommes remplis de certitudes, nous le savons, nous en sommes surs, nous vivons en démocratie. On nous l'a enseigné à l'école, on nous l'a répété à loisir, nous en faisons l'expérience pratique par le jeu politique, si bien que la question ne se pose même plus.

Démocratie, éthimologiquement, signifie souveraineté du peuple.
Dans la constitution Française, le concept de démocratie est résumé ainsi: « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Si vous avez, vous, l'impression de gouverner, moi j'ai plutôt l'impression que l'on gouverne pour moi. Ce serait pour des raisons pratiques, nous dit-on, que l'on fait appel à la représentation. Le peuple ne gouverne plus, donc, mais choisit des représentants pour le gouverner. Entre alors en jeu la notion de choix, essentielle me semble t-il, dans la pratique concrète de la démocratie. Car puisque nous devons choisir les gens qui vont nous gouverner, puisque nous devons leur remettre notre souveraineté, il faut alors que le choix qui est le nôtre soit libre et entier, toute altération de ce choix revenant, par définition, à une altération de notre chère et si parfaite démocratie.
A ce niveau déjà, une remarque. D'une part, on se rend compte que le système de représentation a tendance à reléguer le peuple à un rôle secondaire, passif, et laisse bancale l'idée du gouvernement par le peuple; et d'autre part, ceci devrait nous ouvrir les yeux sur toutes les possibles dérives qu'implique un tel transfert de souveraineté. M'enfin, revenons à notre choix.
Le choix, dans son expérience pratique la plus concrète, est symbolisé par le vote. Pour n'en prendre qu'un, le plus significatif, parlons du vote pour le président de la république. Pour quoi, et pour qui votons-nous ? Nous votons parce que c'est un devoir, "il faut" aller voter, s'entend-on répéter en temps d'élections. Imaginez un scrutin avec moins de 50% de participation, quelle légitimité, quelle souveraineté pour celui qui se fait élire ? Il se pourrait même bien que dans un tel cas le scrutin soit purement et simplement annulé. Nous votons par devoir, comme un passage obligé, rarement pour des idées.
Pour qui votons nous ? Le moment de la campagne est celui des programmes que nous lisons, des discours que nous écoutons. C'est le moment ou ils parlent et ou l'on écoute. Jamais nous n'avons la parole. Le vote est supposé être la voix du peuple, à quel moment y'a t'il débat ? On vote pour des discours, ou pour les hommes qui prononcent, mais jamais pour des idées. Et sans avoir la possibilité de débattre.
On nous impose de choisir, on nous refuse le débat, certes. Mais quel est la teneur de ce choix ? Historiquement, le pouvoir en France est l'objet d'un combat entre 2 appareils politiques, que l'on voudrait nous présenter comme le blanc et le noir, comme une ambivalence capable à elle seule de résumer tous les possibles de l'échiquier politique. Ces 2 appareils sont plutôt deux pâles nuances d'une même couleur, et il faut bien se résoudre à l'accepter, dans l'expérience pratique que nous connaissons de la démocratie, nous n'avons pas d'autre choix. Pas plus celui de dire non, puisque le vote blanc n'est pas pris en compte, n'est pas reconnu comme l'expression d'une voix.
Que vaut donc un choix imposé, limité dans son contenu, ou ni le refus ni le débat n'a le droit de cité ?
Il existe toujours, dans la géographie démocratique, d'autres moyen de se faire entendre, de revendiquer ou de s'opposer. On pense par exemple aux manifestations et aux grève. Ce sont autant de moyens d'expression et de lutte, qui doivent permettre au peuple de s'exprimer, et à ses dirigeants de l'entendre (à défaut de l'écouter). Qui a déjà été dans une manifestation sait bien que la police vérouille tout, et la répression est courante. Pour s'exprimer, il faut être prêt à affronter gazs lacrymo, jets d'eau, et charges de CRS. Sans compter que toute manifestation doit faire l'objet d'une autorisation préalable. Pour ce qui est des grèves, on hésite plus à faire intervenir le GIGN (unité anti-terroriste de la gendarmerie), et la mise en place du service minimum a sérieusement réduit les possibilités de répercution et de pertubation des grèves en France. Sarkozy s'en félicite d'ailleurs, et s'amuse d'un ton provocateur à déclarer que " Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit." Le droit de grève est pourtant reconnu et garanti par la constitution. Il nous avait prévenu, "Ensemble, tout devient possible".

De quelle démocratie parlons-nous ?

« Un despote imbécile peut contraindre des esclaves avec des chaînes de fer ; mais un vrai politique les lie bien plus fortement par la chaîne de leurs propres idées »


La démocratie est la plus belle escroquerie de notre temps.


PS: j'avais conçu ce blog comme un espace démocratique, ouvert au débat, à la contradiction, et à la contribution de chacuns, aussi diverse soit-elle. Je réitère mon appel.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Notre démocratie n'est pas si démocratique que ça, on nous ment. Ce n’est pas nouveau ! Pointer du doigt les defaults de notre système vous n’êtes pas seul à le faire ! Quand est ce qu’on pourra débattre sur des idées d’évolutions concrètes !?